Une année blanche à la Flash ou l'aveu d'un échec

Publié le par Ascension BOGNIAHO

Introduction

Avez-vous appris comme moi que l'année académique 2015-2016 est déclarée blanche à la Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH) de l'Université d'Abomey-Calavi (UAC)? En l'apprenant, j'ai été abasourdi parce que je mesure, à mon humble niveau, les conséquences désastreuses d'une telle décision. A en rechercher les motifs, on découvre en premier lieu sa liaison fondamentale avec l'incapacité du dialogue constructif entre les deux composantes essentielles de cette communauté universitaire: les étudiants d'un côté, les enseignants et les autorités académiques, de l'autre. La session de rattrapage réclamée de façon opiniâtre par les étudiants est la pomme de la discorde. En second lieu, on indexe la gestion quelque peu lâche du conflit. Cette page s'attache donc à décrypter les deux sources possibles de la décision.

La situation

En effet, l'affaire a fait grand bruit l'année dernière, révélant au grand jour la méconnaissance par beaucoup de personnes du système de formation qu'elles gèrent. Comme dans une pétaudière, chacun y est allé de sa théorie, inventant une nouvel algorythme qui jouxte le système principal comme des droites parallèles. L'analyse se permet de taire ici les évolutions équilibristes par lesquelles on a voulu régler la question.

La désinvolture des étudiants, leur inconscience et irrespect de l'autorité de leurs enseignants et responsables académiques, l'ignominie de certains de leurs actes, l'inconscience et l'insouciance, la tendance morbide à la casse, etc. les ont déclassés comme des interlocuteurs valables et raisonnables. Ils ont oublié que la douceur et le dialogue viennent à bout de toutes les questions épineuses même perçues a priori comme insolubles. Du coup, l'impasse s'est installée avec son cortège de peurs et de questionnements dont le noyau se trouve dans le spectre de l'année blanche. Heureusemnt, l'Etat et le chef de l’Etat providences sauvent l'année par un renfort d'argent, placebo ridicule  appliqué à une plaie virant à l'incurable. "Quand on tue un serpent sans en couper la tête", il se relève, dit-on chez nous.

A la vérité, beaucoup de professeurs responsables ont prédit le réveil grave de la difficulté, et elle s'est relevée réellement. L'année académique 2015-2016, commencée avec plus ou moins de bonheur, subit un coup d'arrêt au moment crucial des premières évaluations; la question préjudicielle mise sur le tapis par les étudiants est encore et toujours la session de rattrapage. Dès lors, les uns continuent leur combat qu’ils n’avaient pas abandonné du reste, tandis que les autres, tout à fait naïfs, se retrouvent comme dans une nouvelle tracasserie.

Rétrospective

A ce point du récit, il convient de chercher à connaître le système Licence-Master-Doctorat (LMD) pratiqué à la FLASH. S’il est identique à celui qui est mis en vigueur par le Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest (REESAO) et entériné par le CAMES, chaque semestre bénéficie de deux sessions d'évaluation, ce qui donne aux étudiants le droit d'avoir quatre sessions chaque année. Néanmoins, chaque pays peut pratiquer son LMD, informé par le contexte socio-économique, pour peu qu'il en respecte les grands standards admissibles dans les suppléments au diplôme; de fait donc, chaque faculté ou UFR, chaque EFS ou entité, chaque école ou institut  peut aussi s'inscrire dans un LMD spécifique en ayant soin de respecter les standards du système. Ces standards alimentent inévitablement le règlement pédagogique, jamais le contraire. Cependant, au regard d'un contexte d'effectifs d'étudiants parfois ingérables, on peut esquiver les quatre sessions en les ramenant à trois, la session de rattrapage en est la troisième, mais on ne peut pas décemment la supprimer.

Là où le bât blesse dans le contexte bouleversé et saisissant de la FLASH est l'absence de cette session dans le règlement pédagogique. On se demande alors qui et quels ont été les auteurs de ce texte de cadrage, source de toutes les frictions. L'humilité et la curiosité restent les vertus cardinales des scientifiques; elles les conduisent le plus souvent à la découverte de la vraie nature des choses, de la vérité. Pourquoi ne pouvons-nous pas les adopter comme des principes de conduite? Si l'on vous appelle pour faire un travail et que vous n'en êtes pas capable, ne devriez-vous pas décliner l'offre et indiquer si possible celui qui possède les compétences pour la réalisation efficace de la tâche? A vouloir apposer coûte que coûte votre signature sur toutes choses, vous induisez parfois la communauté dans des erreurs aux préjudices graves. On  en est là aujourd'hui. Pourtant, on aurait pu l'éviter.

Un palliatif possible

Cependant, cette faiblesse du texte peut bien se rattraper si l'on y met un peu de volonté. en effet, dans une situation de crise, il faut une attitude souple; elle demande de convoquer toutes les ressources de l'intelligence et de l'esprit en vue d'inventer des solutions topiques et ponctuelles qui, après application et évaluation, pourraient devenir plus tard des remèdes définitifs. La FLASH aurait pu octroyer la session de rattrapage en bonne et due forme aux étudiants. Dans ce sens, j'ai propagé partout où j'ai eu l’opportunité de rencontrer des enseignants jeunes ou anciens, le format de la session de rattrapage ou de la deuxième session préconisé en filigrane par le système LMD pour les grands groupes. Beaucoup d'entre mes collègues reconnaîtront que j'en ai largement parlé, je l’ai ressassé même. Il s'agit d'une remédiation par le corrigé-type public d'une épreuve d'évaluation ; ce corrigé sera suivi quelques jours après d'une sorte d'interrogation sur les zones d'ombre révélées par la réaction d'ensemble des étudiants face à l'épreuve administrée et corrigée publiquement; seuls ceux qui n'ont pas obtenu la moyenne seront astreints à cette nouvelle copie. Une telle stratégie dispenserait la faculté d'organiser une deuxième session dans les règles de l'art, avec un calendrier bien achalandé, des surveillants et des charges qui obèrent le budget de l'entité. Ainsi, chaque apprenant disposerait-il de deux notes d'évaluation pour chaque semestre. Il appert que l'exercice du pouvoir commande d'être inventif et de chercher en tout temps et en tout lieu, en toute circonstance, le progrès du groupe que l'on gère à travers des idées novatrices et pacifiques.

L'année blanche est un gâchis

Au lieu de cela, nous avons laissé pourrir la situation au point d’opter pour une année blanche. Je voudrais qu’on nous convainque qu’il n’y a plus rien d'autre à faire pour sauver cette année à la FLASH. Ce plaidoyer devra indiquer la masse horaire due pour l’année, les pourcentages effectués et restants. Dans ce pays, dans cette université et dans cette faculté, nous avons commencé une nouvelle année académique en janvier, et d’ajustements en réajustements, nous avons rattrapé le cours d’une année normale. Le passé peut informer et édifier le présent, il le doit même.

Mais nous avons opté pour l’année blanche ; et je suis convaincu que nos responsables ont pris cette option à leur corps défendant. Néanmoins, on peut décemment leur rappeler le propos de Sainte Anne qui affirme: « la force ne rend pas l’homme vainqueur », bien au contraire, elle révèle de l’utilisateur sa grande faiblesse. Le problème du rattrapage devra être réglé d’une manière ou d’une autre. Pourquoi donc ne pas entamer le processus pacifique de son règlement maintenant en abandonnant la politique de l’autruche? Les grands perdants dans ce malheur sont l’état, la faculté et les étudiants. L’état y perd une année d’allocations scolaires de toutes sortes, des compétences peut-être attendues pour son développemen; la faculté, pour sa part, se trouvera face à l’acuité de la massification des effectifs, car ceux-là qu’on oblige à faire du surplace cette année, reviendront l’année prochaine pour occuper les tiroirs qu’ils auraient dû abandonner à d’autres tandis que de nouveaux bacheliers viendront alourdir le nombre. Le plus grave concerne le cas des étudiants en fin du cycle de la licence professionnelle: au lieu de débarrasser le plancher, ils reviendront l'an prochain, bloquant de la sorte la montée de leurs homologues du semestre 5.  On vous objectera qu’ils ne devaient pas, eux tous, passer en semestres supérieurs. Soit ! Mais certains passeront quand même. L’objection continuera à  dire que cette projection ne concerne que le semestre des commençants. Y aura-t-il de la place pour eux tous en moment-là ? Les enseignants n’auraient-ils pas un surcroît de travail ? Et la communication de la science n’en souffrirait-elle pas ? Enfin, pour les étudiants particulièrement, n’est-ce pas un gâchis ? Ils ne rajeunissent pas pour la plupart, et nous savons tous qu’il y a un temps pour chaque chose. De plus, dans la même université, l’année, dans une moindre mesure, est normale et fructueuse pour les uns et, dans son ensemble, perdue pour d’autres.Quelle frustration! Que se passe-t-il dans les facultés de formation classique à grands effectifs comme la FLASH? N’y pratique-t-on pas le LMD ? Les étudiants de la FLASH l’ont cherché, et ils l’ont trouvé, diront certains d’entre nous. Mais c’est le corps social qui perd d’une manière ou d’une autre, et c’est l’aveu d’un échec qu'on aurait pu éviter.

Conclusion

Si cette année académique venait à être irrémédiablement compromise pour les étudiants de la FLASH, je voudrais exhorter les uns et les autres à utiliser ce temps pour réfléchir et se parer des vertus d’apaisement des tensions sociaux, gages de progrès. Pour ma part, je les trouve, ces vertus, dans la pratique de la justice.

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