Le crime occulte et la médisance au Bénin, deux faces d'une même pièce

Publié le par Akotêgnon Gbêdékounnou Ascension BOGNIAHO

I. Résumé

1. La vertébration du Béninois est dépourvue de cartilages d’amour pour son frère, et du pardon de quelque offense. Trempée dans une solution de méchanceté, elle ne pardonne rien, pas même le moindre acte contrariant, sans rapports réels ni lointains avec une offense, pourvu que l’arbitraire du tribunal de son cœur condamne le frère dans le registre du manquement. Un semblable trait de caractère et d’esprit instaure une permanente chasse à l’homme dans cette société.

Mots clefs: Bénin, Amour, pardon, méchanceté, médisance, homme, société.

2. Abstract

The vertebration of the Beninese is devoid of cartilage of love for his brother, and of forgiveness of any offense. Soaked in a solution of wickedness, she does not forgive anything, not even the slightest annoying act without real or distant connection with an offense, provided that the arbitrariness of the court of her heart condemns the brother in the regust of the breach. A similar trait of character and spirit establishes a permanent manhunt in this society.

Key words: Benin, love, forgiveness, wickedness gossip, man, society.

II. Introduction :  la plaie sous le pagne du Bénin

3. Un mal pernicieux couvre le Bénin, de façon sournoise,  depuis la nuit des temps jusqu'à nos jours.  Sa persistance menace et inquiète une importante  frange désarmée parmi les jeunes générations : c’est le crime occulte gratuit. Il s'associe à la médisance pour saccager la vie des individus.

III. Le crime occulte : définition

 4. D’entrée, le crime occulte se définit de façon cursive comme une agression contre la personne humaine.  Il consiste à empoisonner quelqu’un à distance par le sortilège ou la sorcellerie, afin de le clochardiser par un vice, ou de saccager sa fortune en détruisant tous les acquis matériels et financiers de son travail, ou de le rendre durablement malade, jusqu'à l'invalidité ou, enfin, de le tuer.   Il est reconnu qu'autrefois, des adversaires réglaient leurs litiges par ce moyen, considéré comme un dernier recours, lorsque la réconciliation avait échoué ou que la querelle était vraiment irréductible.  Mais, de nos jours, depuis plus d'un demi-siècle où, à la faveur des mutations sociales, une multitude de jeunes gens de toutes conditions et de tous milieux  ont un libre et facile accès aux sciences occultes, la pratique de ce  crime  est devenue monnaie courante. Même des intellectuels y sont versés. Le crime occulte est la plaie cachée sous le pagne du pays. La plupart des Béninois en sont victimes, mais ils se taisent et le vivent stoïquement.

IV.  Les causes

5. Habituellement, on se berce d'illusions en croyant connaître l’homme. Mais, que de vilaines choses découvrirait-on si l'intérieur humain offrait la moindre lisibilité, et l'on tomberait à la renverse en l'ouvrant pour les décompter et les examiner. Montaigne n'a pas su assez bien dire en affirmant de l'être humain: "c'est un sujet merveilleusement vain, divers et ondoyant que l'homme. Il est malaisé d'y fonder jugement constant et uniforme » [1]. Un commentaire de cette juste caractérisation aboutit à la révélation de l'être humain comme un monde d’une opacité sans limite au-dedans, mais d’une beauté alléchante au dehors. Et Rabelais le traduit bien, qui avance que le rire est le propre de l'homme et les apparences, souvent trompeuses [2].

6. Lorsqu'une hypocrisie de ce niveau gouverne les relations interpersonnelles dans une société, en exclut les notions de l'acceptation mutuelle et de l'amour, celle de  la pratique du pardon, elle est  dirigée par  la loi de la jungle.

7. Les images d'Épinal qu'on peut lire dans les récits de voyage et les revues du 19è siècle peignaient l'homme noir comme un être barbare et sauvage. L'une de ces opinions révoltantes dit en substance ceci : ‘’ quand l'un d'entre eux (parlant des Noirs) amasse une fortune à la force de ses bras, quelques-uns s'assemblent et, nuitamment, l'attaquent, lui coupent la gorge et se partagent ses biens" [3]. Quel Africain ne serait-il pas secoué d’une légitime indignation à la lecture d’un tel avis ? Mais, avec du recul aujourd’hui et une observation de la société béninoise, on ne peut dénier à l’affirmation une certaine véracité, car la situation est bien pire : la vertébration du Béninois est dépourvue de cartilages  d’amour  pour  son  congénère  et, c'est le moins qu'on  puisse  dire.

8. Et pour cause. Des membres d’une même famille, des camarades de travail, des compagnons d’une même corporation, des cohabitants d’un même quartier de ville ou de village se jalousent, s’épient et s’attaquent. Tout ce qui luit ou brille, tout ce que la foule peut applaudir ou admirer ne peut ni ne doit pas être l'œuvre d'un autre en dehors de soi. Si elle l'était, cette  réalisation doit être sabotée par tous les moyens et son auteur, handicapé ou éliminé [4].

9. De plus, certains groupes sociaux continuent de perpétuer les adversités passées de leurs ancêtres. Untel vient de telle région ou de telle famille ; ses parents ayant nui à ceux de Tartempion  par des razzias ou des guerres, ils ne peuvent collaborer en toute franchise. [5] Ils s’attaquent à la moindre difficulté.  Au demeurant, des préjugés ethniques, des haines historiques et séculaires, devenues curieusement ataviques, l'envie et la jalousie injustifiée, circulent au sein de la société,  rejettent voire condamnent la différence.

V. Des manifestations du crime occulte

10. Ainsi, immergé malgré lui dans de pareilles conditions, chaque Béninois qui s'est battu pour se faire, confessera qu'il a essuyé de la part de parents, d’amis ou de proches des actions de sabotage de son projet de vie. Tels de faux aiguilleurs,  des gens mal intentionnés réorientent le parcours de vie de personnes innocentes,  dont l’unique péché est de vouloir se réaliser. Ce comportement est si criant que la conscience collective  recommande à celui qui réussit dans sa vie d’éviter d’exposer son succès  au nez et à la  barbe de sa communauté : le bonheur se construit et dure loin de la collectivité, loin de la famille: lâkɔ̌nyɔ̌, toute famille se comporte comme un milieu idéal pour un membre qui vit loin d'elle.

11. Dieu ou la nature gratifie quelqu'un d'un enfant, il organise une réjouissance d’action de grâce. Qu'il ne s'étonne pas de compter parmi ses invités, des individus qui maudiront son enfant, lui souhaiteront la mort alors même qu’ils s'empiffrent à sa table et s’enivrent  de la boisson achetée par son argent, chèrement gagné. Et pourtant, ils ont, eux,  une nombreuse progéniture. Tu te fais plaisir par l'achat d'une voiture, après avoir trimé dur et thésaurisé, tu te construis une maison à la sueur de ton front, il se trouvera toujours des individus  qui  récrimineront contre le sort de t'avoir préféré à eux, et entreprendront de  t'éliminer  ou  de te  rendre  malade, afin que des soins coûteux te réduisent à brader tes acquisitions. Et il est ahurissant qu'ils ne seront pas les repreneurs de tes biens. Te voilà plutôt occupé à monter et entretenir un commerce florissant. On viendra dans ton échoppe avec une pièce d’argent ou un billet maudit  qui fera se volatiliser progressivement et  comme par enchantement tout le gain de ton commerce:  tu mettras la clef sous le paillasson. Que dire de cet élève chargé par son père pour ensorceler son camarade de classe, parce que le père du condamné est un scientifique célèbre et qu’on veut empêcher son fils de le devenir aussi ?

12. Sur un tout autre registre, mais renfermant des conséquences sociales  quasi similaires, se retrouve la médisance. Art d'un raffinement exceptionnelle, la médisance peint une personne à une autre sous des traits où la fiction l'emporte sur la réalité. Appartenant à l'objectif poétique phobique, elle s'appuie sur un esprit créatif pour inventer des liens entre le sujet victime et des éléments de la flore et de la faune locales, afin de corcer et de crédibiliser sa description. Aussi, procède-t-elle par la comparaison, l'hyperbole, la gradation et la répétition pour charger sa victime  de défauts inimaginables qui ternissent sa personne, le déclassent socialement et l'isolent. Cela peut lui en coûter de rater un poste ou des occasions d'un positionnement social ou professionnel avantageux: c'est là une mise à mort par la parole. Les conséquences que l'on mesure très peu, parce qu'elles ne sont pas spectaculaires, ne manquent pas de dévaster la cible. Elles la transforment à son insu en un mal-aimé, un phénomène répulsif de son groupe, qui la prive machinalement de toute attention affective grégaire. Faute d'une insertion et d'une prise en charge sociales, le sujet se marginalise lui-même et peut être habité par des idées mortifères. On peut craindre qu'il les concrétisent sur lui-même: le crime est parfait, car le mensonge tue plus que le grigri ou la sorcellerie.

13. Qu'est-ce qui justifie ces actes asociaux, relevant de l'ordre indéniable de la gratuité? La haine, l’hypocrisie, l'envie, la jalousie et la méchanceté : le Béninois est méchant à l'encontre de son frère.

VI. Des mercenaires de la nuisance occulte

14. Il dispose à sa portée des armes pour accomplir ces sales besognes, les grigris de toutes sortes, la sorcellerie et sa bouche. L’Occident possède ses tueurs à gages, munis d'armes à feu, les Béninois ont les leurs, verses dans l’occultisme et, parfois, dans les cancans.  La propension  d'une majeure partie des populations à recourir aux sciences occultes  est si grande que partout, dans le pays, pullulent à tous les coins de rue,  des mercenaires de la chose, bokonons, sorciers et autres  jeteurs  de sort, pendant que les cancaniers se retrouvent, en nombre relativement infime, çà et là, épars dans la société. 

15. Donneurs de fléaux à tout vent, les charlatans, des techniciens aux vastes connaissances tirées de la nature, ne refusent aucun travail commandé : ils remplissent la vie des autres de difficultés insurmontables, ils rendent malade,  ils tuent, pourvu que le client-demandeur  leur  paie  un cachet  subséquent. D'un autre côté, les victimes s'adressent à leur tour à eux pour se soigner, s'arracher des mains de leurs agresseurs. Beaucoup d'entre eux officient en toute franchise tandis que d'autres, corrompus, trompent leurs clients, s'ils ne les livrent pas à leurs attaquants. Leurs œuvres propagent à tous égards la méfiance sociale car ils sont, parfois, juges et partis: ils condamnent et ils sauvent. Les médisants, quant à eux, travaillent à leur propre compte et pour leur satisfaction personnelle, celle de ruiner l'avenir de leur victime. Ils sont incapables de réparer les dégâts moraux, spirituels et mêmes physiques de leur action., parce que la parole est comme un œuf. Quand il tombe, il se casse et ne se ramasse pas.

VII.  L’omerta 

16. Une multitude de Béninois souffrent donc en silence des conséquences désastreuses de  ces faits sociaux. Rejetant par résignation cette traque gratuite de la vie sur les prédispositions de leur tradition, ils se gardent de se plaindre aux instances de la justice moderne. Elles ne traitent pas, du reste, des actes occultes répréhensibles, parce que leur règlement ne figure pas dans la loi moderne. Une sorte d'omerta  entoure les agressions occultes aussi bien dans la modernité que dans la tradition. Il n'y a que la mauvaise parole que les intellectuels dénoncent, traduisent en justice pour être lavés, absouts ou dédommagés.

VIII. Les conséquences sur l’individu

17. Si la mort et une invalidité permanente sont les conséquences extrêmes  de ces attaques, les désastres tels que la paupérisation, l'ivrognerie, l'hypersexualité, traduite par le satyriasis chez l'homme et la nymphomanie de la femme,  l’addiction aux  jeux de hasard, la démence, constatés sur des personnes naguère nanties ou saines en représentent des moyennes. Afin de se sortir du malheur,  les victimes se dépouillent de leurs biens pour faire face à des soins dispendieux, ils s’appauvrissent et vivent en sujets inutiles pour la société, une charge pour les membres de leur famille. Le cynisme du comportement écœure parce que le bourreau se trouve aussi parfois dans la famille; il feint d’aider au soulagement des peines de sa victime. Il en résulte l’existence d'une société bâtie sur le faux et la méfiance. Dans ces conditions, une sérieuse hypothèque est jetée sur tout développement individuel, car vivant ensemble, les Béninois ne sont malheureusement pas  ensemble ; chacun regarde dans sa propre direction et ne compte que pour lui-même, jamais pour les autres ni sur eux. Un pareil état d’esprit fait le lit de l'hypocrisie, de l'individualisme, de l'égocentrisme et, de surcroît,  de la méchanceté : les bouches sont mielleuses, mais les cœurs, noirs. Aussi, ne parvient-on presque jamais à collaborer, coopérer ou réaliser des projets ensemble ; il s'en trouvera toujours quelqu’un pour chercher à en écarter un tiers  de mille  manières.

III. Le crime occulte, une  source de  régression sociale

18. Par ailleurs, les récits de nombreux faits de la société béninoise, rapportés par des personnes crédibles, poussent à se demander si elle connaitra un jour le développement et la paix. Un doute légitime assiège  tout observateur  attentif,  à la vue de certains spectacles ou à l'audition de certaines  chroniques de  relations  humaines  dans  lesquelles sévissent  ces agressions  occultes ouvertes ou larvées.  Car, le développement d’un pays est propulsé en  aval  par  celui  de  l'individu. S'il  ne  connait  pas  la  paix  et  la  tranquillité,  comment   un  individu  pourrait-il  être  le  moteur  du développement? Tout  son  pays se livrera à une véritable errance sur la route du progrès. Or, seule la société garantit ces deux facteurs, elle en crée les conditions et les protège.

19. L’évocation d’une telle préoccupation fait penser bien vite par beaucoup de personnes au domaine politique. Cela n'est pas faux. On en attend évidemment la mise en place des conditions fécondantes du progrès social et culturel,  et de la croissance économique. L'on ne saurait donc traiter de myope celui qui penserait de la sorte. Car, à la vérité, une paix sociale au sein de laquelle l'individu jouit de toutes les libertés primordiales et naturelles engendre inéluctablement des progrès de toutes sortes. Et c'est prioritairement le rôle de la politique de la créer.

20. Guerres civiles  et  conflits ethniques, provoqués par les préjugés raciaux et racistes, les intérêts sordides de gens cupides, le tribalisme, la déraison verbale et l’obscurantisme, entre autres, conduisent à l’escalade de la violence, confrontent le développement à une problématique de résilience et d'attardement.  L'action nocive de ces comportements inhumains freinent, détériorent ou donnent un sérieux coup d’arrêt au progrès des sociétés. Et il  se  trouve  quantité de  personnes pour penser que la survenue de ces cataclysmes  relève du seul ressort de la politique et des politiques.

21. Néanmoins, si l'on ne peut réellement pas réfuter de fond en comble la vérité d'un pareil raisonnement, il serait peu juste pourtant de ne pas envisager également une autre source de l’arriération des sociétés, surtout sur le continent africain et, tout particulièrement au Bénin: le crime occulte.

IX. Conclusion

22. Cette ambiance peut paraître noire et désespérante. Mais il n'en est rien, absolument rien. Car c'est ainsi qu'on vit dans ce pays.  La vie s'y passe sans que rien n'y paraisse. C'est dire que  ​​​​l'on ne peut décemment juger ni condamner les populations béninoises de vivre sous l'emprise de pulsions de cette fibre  relativement dominante de leur caractère. Parce que tous les peuples du monde possèdent leur caractère. Les étrangers y voient une faiblesse. Mais Montagne  invite à relativiser le regard critique sur les habitudes des communautés humaines: "chacun appelle barbarie, ce qui n'est pas de son usage ; comme de vrai, il semble que nous n'avons autre mire de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes. » [6] et il a raison. Un faisceaux de  réalités appartenant au déterminisme externe forge le caractère des sociétés humaines. On y trouve en bonne place la géographie et l'histoire. Elles s'appuient  sur d'autres facteurs, afin de mouler la mentalité de chaque groupe humain. 

23. La mentalité se définit grosso modo comme un cadre physique et spirituel de raisonnement. En elle se règlent les rapports de l'homme à l'homme, de l'homme à la nature et à la surnature. Il convient donc d'interroger ce substrat pour comprendre le caractère des peuples.

24. Les guerres de conquête et d'hégémonie, les conflits d'occupation territoriale et les razzias de prélèvement d'esclaves ont opposé des populations béninoises, créant la haine et la méfiance.  Ces groupes humains constitutifs du peuple béninois n'ont jamais été par le passé des voisins amicaux. Ils se sont agressés réciproquement au point d'internaliser dans leur inconscient les paradigmes de l'inimitié. qui s'expriment en termes de méfiance, d'individualisme, d'attaque et d'autres dispositions connexes. L'agressivité de cet environnement  pousse à faire allégeance à un être supérieur protecteur et adjuvant dans l'attaque et l'autodéfense. Et comme il n'est pas facilement. accessible, l'homme crée des suppôts intermédiaires qu'anime la parole des origines, la parole génésique, elle-même divinité. De ce creuset sont nés naturellement les  traits de caractère précités qui alimentent le crime occulte.

X. Perspectives

25. Cependant, il faut reconnaître que ces attaques ne tuent ni ne tueront jamais toutes leurs cibles. Toutes les sociétés du monde vivant par et avec leurs tares, vous vous estimerez heureux en apprenant celles des autres. Ce n'est pas une raison pour laisser se poursuivre ces agressions à l’existence humaine. L’une des nombreuses solutions au crime occulte se trouvera peut-être dans la réduction progressive de la ruralité par la conurbation avec l’avancée de l’intellectualisme envahissant des villes. Une autre résidera surtout dans l'apprentissage à l'école d'une morale du vivre ensemble, Elle enseignera aux jeunes générations la tolérance des différences, l'amour du prochain et de la patrie, la pratique  du pardon. En redressant la barre de la méchanceté gratuite, de l’hypocrisie et de la haine vers l'amour, le pays connaitra le progrès. Des confessions religieuses crédibles prêteront main forte à l’éducation sociale pour aider à réduire progressivement ce phénomène cuisant. Cultivons l'amour et le pardon. Leurs œuvres renferment des bénéfices  incommensurables et permanents pour la vie humaine.

Notes

[1] Michel de Montaigne,  Essais , I, 1

[2] Rabelais, Gargantua [Prologue]

[3] Toute une presse coloniale a diffusé des images pessimistes du continent africain et de ses habitants pour légitimer l'entreprise colonisatrice et faire bénéficier des crédits aux colons. La Revue des deux mondes, le journal des colonies, etc. en sont des exemples.

[4] Abdoulaye Sadji, Maïmouna, Paris, Présence africaine,  Yacine La Responsable favorise discrètement l'idylle de Doudou Diouf et de Maïmouna juste par jalousie. Elle fait tant et tant que la jeune tombe enceinte et retourne au village. Elle illustre ainsi le proverbe wolof qui dit: " Et si je ne dois pas manger de ce couscous, je le couvre de sable", p. 132.

[5] Henri Lopes, Tribaliques, nouvelle n°2, "Ah Apolline". Raphaël et Apolline ne peuvent pas se marier à cause des inimitiés entre leurs deux tribus. Raphaël était un Lari : " Ces gens à la tête dure en qui il ne fallait jamais avoir confiance." Yaoundé (Cameroun), Éditions CLE, 1971, p. 34.

[6] Michel de Montaigne, Essais, 1,3, Des Cannibales 

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A
Merci bien Professeur pour avoir pu mettre en évidence l’état d’esprit qui a souvent caractérisé le béninois. Aux paragraphes 20 et 24, j’ai pu découvrir les causes de ce phénomène. Je note aussi, et vous l’aviez dit, que ces causes ne sont pas typiquement et exclusivement béninoises, parce que nous ne sommes pas pires que ces autres peuples qui se portent pourtant mieux et que nous semblons envier. Cependant, deux questions m’ont souvent habité chaque fois que ce sujet est abordé :<br /> 1- À force de nous focaliser sur ces traits extrêmement négatifs, ne sommes-nous pas inconsciemment en train de nous convaincre que nous avons raison de nourrir méfiance et haine tacite envers le « béni dans le noir »? Le mal béninois existe certes. Et lorsque nous en avons fait l’amère expérience, il nous est difficile de continuer à vivre comme si de rien n’était. Toutefois, ma question est de savoir si le fait de continuer à en parler ne fait pas que le renforcer en termes de propagande et de renforcement d’un état d’esprit (méfiance renforcée). Quoi que l’on dise aujourd’hui, le terme «béninoiserie» auquel les faits de notre société ont accordé un contenu très négatif, pourra-t-il arrêter un jour de nous caractériser si nous continuons à lui fournir des éléments de preuves irréfutables? <br /> 2- Comment transformer en opportunité ce qui aujourd’hui se présente à nous comme l’une des véritables faiblesses de notre société? Comment est-il possible de contre-attaquer le mal sur son propre terrain sans réellement lui faire de la publicité ?<br /> L’image me vient de l’électrochoc auquel les médecins recourent pour réanimer leurs patients…<br /> Peut-être qu’il n’est pas impossible que le bien vainque le mal sans que, en voulant dénoncer ce dernier, l’on ne se retrouve en train de lui faire une certaine propagande. <br /> Peut-être que toute faiblesse contient en soi la capacité d’être transformée en opportunité si seulement l’on sait s’ y prendre.
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A
Je ne puis taire mon intérêt pour votre commentaire du texte portant sur le crime occulte ; cet intérêt est d'autant plus grand que vous posez, dans votre réaction, deux questions de fond. <br /> Après que vous avez admis l’existence du crime occulte, vous redoutez une propagande gratuite à en parler. Et, le rapprochant de la béninoiserie, vous craignez qu'en fournissant des preuves de leur existence, on ne travaille à leur pérennité. Il convient effectivement que l’on mène ce débat. <br /> Je crois qu’il importe, au prime abord, de chercher à connaitre les causes du silence général face aux ravages perpétrés par cet usage, bien qu’apparemment, personne ne coure aucun risque à le dénoncer. En fait, l’absence d’un flagrant délit, attesté et prouvé, jette un sérieux discrédit sur une éventuelle accusation publique d'un malfaiteur occulte. Tout se passe en cachette et dans un certain secret intra muros, entre le consultant et le charlatan. Dès lors, la victime est contraint à un silence résigné, faute de preuves réelles démontrant et justifiant une accusation, hormis son état du moment.<br /> Et pourtant, la société parle ouvertement du sorcier avéré ; elle l'attaque et le dénonce, même publiquement, malgré la peur qu’elle en éprouve. La chose se passe ainsi, parce que ce personnage lui-même de sorcier se donne comme un sujet public, tandis que le protagoniste dans le crime occulte prend le visage d'un quidam, sans identité ni attributs, un comparse aux yeux de tous, qui s'appuie sur le travail du grigriseur malfaisant, le bokonon. Celui-là se trouve paradoxalement dans une fonction reconnue par la société, non pas comme nuisible mais comme une aide à la vie. Cette ambivalence notoire, à cheval entre le bien et le mal, jette le flou sur son action sociale pour ne retenir que le bien : il lit le passé, le présent et l'avenir, il soigne et guérit des maladies par la vertu des plantes ou des techniques spirituelles, il déprend du sorcier. Et dans toute cette histoire, on ne reconnaît, au bout du compte, que deux figures sociales fortes, le sorcier et le bokonon, le prédateur communautaire et le garde-chasse. De cette catégorisation nait la méprise publique, car, peut-on être un bokonon sans être, ceteris paribus, un sorcier ? Pour moi, la société béninoise se confronte au sorcier, l’unique personnage problématique de sa vie. <br /> Il apert que parler de cet usage nocif ne saurait être une publicité, bien au contraire, la communication éveille les consciences et les prédispose à la méfiance. Si sous d'autres cieux, on a soumis violemment le sorcier au bûcher, sans pour autant l'empêcher de muter en magicien des loges obscures, ici au Bénin, la chasse au sorcier de la période dite révolutionnaire a plutôt démultiplié et essaimé les tentacules du mal, élargi le cercle des émules en détruisant les critères d'âge de cooptation. Et comme la petite verrue ne bourgeonne que sur un visage propice, la méchanceté de la nature de l'homme et, du Béninois, en particulier, lui a servi de terreau. Aussi, la communication sur cette hydre nuisible paraît à mes yeux une prophylaxie salutaire, attendu que la parole informe, éduque et éveille, elle est de l’ordre de la catharsis. <br /> Nous serons sur le nuage le plus haut du développement, si nous pouvions transformer cette force du mal en une force du bien. Votre souhait qui rencontre les préoccupations de beaucoup de personnes serait un idéal de vie et de philosophie. Qu’une force de mort devienne une puissance de vie, quel gain inouï pour la société béninoise voire pour l'humanité, car des connaissances insoupçonnées sont enfouies dans ce creuset. Leur utilisation normée soulagera le monde de bien des maux. Néanmoins, pour y arriver, il faudra s’engager dans des réformes gigantesques. Elles iront à l'assaut de la mentalité, des mentalités, elles déconstruiront des croyances et bâtiront sur leurs ruines, par des chantiers de nouveaux algorithmes, une nouvelle société décloisonnée où ‘e savoir endogène sera démocratisé et rendu populaire. Si l'on ne procède pas par le raccourcis de la violence d'une réforme culturelle obligée, comme à la Mao, il est à parier que des générations entières ne vivrons pas sous ce ciel nouveau entraperçu. Cependant, on ne doit pas désespérer, car telle la chute opiniâtre de la goutte d'eau creuse la roche, telle la parole ciblée, à l'instar de celle du texte, viendra à bout de cette force. Merci beaucoup pour votre commentaire enrichissant.<br />
A
Merci cher éminent professeur pour ce beau texte qui révèle le visage de la société béninoise. Le crime occulte, nous le vivons quotidiennement autour de nous, plus précisément dans nos familles respectives où l'amour, le sens de la fraternité s'est étiolé pour laisser insidieusement place à la haine. Et cela fait beaucoup réfléchir. Même quand on a réussi socialement, on développe une méfiance envers nos proches qui n'hésiteront pas à nous nuire en faisant recourt à des pratiques occultes. Et vos propos dans cet article me rappellent l'histoire du roman *La guerre des choses dans l'ombre* de Gaston Zossou où Joseph Lanta a dû lutter farouchement contre les attaques mystiques des membres de sa famille.<br /> Quant à la médisance, elle fait partie intégrante aussi des habitudes des béninois. On raconte avec plaisir et de façon éhontée des âneries, des mensonges soigneusement tissés dans le but de discréditer son prochain.<br /> Mais comme vous l'avez su bien le dire, tout cela ne fait pas du béninois un peuple mauvais ; ce qui existe ici chez nous existe également ailleurs et même pire. Il faut alors que nous œuvrons pour changer cette image de la société béninoise, de notre société qui impacte négativement notre progrès
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A
J'aime votre commentaire et vous en remercie. Ce qui exaspère le commun des Béninois est l'attachement atavique à ce mal chez beaucoup de ses compatriotes. Le résultât que hé recherche en écrivant ce texte est d'abord de parler ouvertement de ce qui nous fait du mal et nous fait mal, ensuite de faire prendre conscience que le crime nuit a nous tous et, enfin, de chercher des solutions à sin atténuation. Pourquoi le bokonon, lui, ne refuse pas de faire du mal? Est-ce pour répondre aux rôles de son état? Lui qui donne le mal, c'est lui qui se trouve dans le processus de la guérison. Pourquoi ne peut-il pas moralisée son client et l'emmener à renoncer à son action nocive? Il nous faut aller à l'éducation des uns et des autres, c'est-à-dire de nous-mêmes. Merci pour votre commentaire.