La difficile application du système Licence-Master-Doctorat à l'université d'Abomey-Calavi au Bénin

Publié le par Ascension BOGNIAHO

Introduction

Depuis 2010 où le LMD est adopté comme un système de formation supérieure au Bénin, son application connaît de nombreux problèmes. Cet état de choses est lié à l'absence d'une ligne directrice rigoureuse dans le respect des standards internationaux et à une progression hésitante et tâtonnante au sein d'une institution où la science devrait être la mesure de tout acte. De séminaire en séminaire, l'université d'Abomey-Calavi peine à trouver ses marques dans le LMD. Il en résulte des sous-réformes dont la mise en œuvre peut représenter un sérieux handicap pour la visibilité de la formation. L'examen de cette situation interpelle légitimement tout observateur averti. Il peut y donner son avis sans pour autant sentir le fagot.

Un emploi du temps inadapté à la formation

L'un des principes du système réside dans l'autonomie de l'apprentissage. Aussi, oblige-t-il le concepteur de l'offre de formation (OF) ou programme, à octroyer une place importante au travail personnel de l'apprenant (TPE). Dès lors, toute OF devrait se construire de sorte à aménager un programme relaxe pour la formation en présentiel. Il parait donc faiblement pédagogique de faire dérouler des cours modulaires de trois heures pour les étudiants: ils en sortent totalement vannés. Que dire si dans la même journée, ils sont soumis à trois matraquages modulaires? On se retrouve à terme en face d'abrutis intellectuels dont beaucoup sont incapables de dire ce qu'ils ont retenu des cours de leur journée marathonienne. Dès leur arrivée à la maison, ils ne pensent qu'à se reposer, abandonnant cahiers, notes de cours et livres afin de s'offrir un délassement proche de la démission intellectuelle, le bien autour d'eux les y invitant. L'exécution d'un emploi du temps où les mêmes cours reviennent dans des intervalles de 15 jours approfondit le laxisme estudiantin. Au bout de la quinzaine, ils reviennent comme ils étaient venus au premier cours, plus ignorants que jamais. Ainsi, fabrique-t-on des produits de plus en plus incompétents et peu instruits. Il serait souhaitable que cessent ces cours modulaires fournis sous le régime des missions d'enseignement. Les équipes pédagogiques responsables des OF devraient être formées à l'élaboration des emplois du temps en LMD. Un cours ne devrait pas dépasser 1h30, et le même cours pourrait revenir le lendemain ou un jour plus tard, tout comme dans les emplois du temps des collèges et lycées. L'avantage d'une telle organisation est de soutenir l'attention de l'apprenant sur un enseignement spécifique.

Les effectifs et l'insuffisance des installations comme alibis d'une mauvaise gestion

On objectera l'insuffisance des installations et équipements, et la massification des effectifs. Sur ces rubriques, des réponses ont été déjà fournies par plusieurs études, et il est inutile d'y revenir. Cependant, on peut faire remarquer la quantité de constructions sur le campus d'Abomey-Calavi; cela est une excellente chose car tout comme un pays, une université se construit. Seulement, il s'agit de réaliser des constructions suivant les besoins pédagogiques. En l'absence d'une vue claire de ceux-ci, tout bâtiment qui embellit l'environnement et ne sert pas à résoudre un problème pédagogique réel est inutile. Un souci d'ergonomie de l'espace devrait aussi guidé ces implantations afin d'utiliser  au mieux les 99 hectares restants du domaine spolié de cette université. Pour le faire, les responsables au sommet doivent se convaincre qu'il n'y a pas que des écoles dans une université, une université renferme aussi des facultés à gros effectifs dont les étudiants, des citoyens du même pays, ont droit à un environnement décent pour leur formation. 

Quant à la massification des effectifs, deux paramètres rentrent en ligne. Les échecs successifs dus aux mauvaises conditions d'apprentissage (insuffisance des salles de cours, de travaux dirigés et pratiques,  le faible ratio étudiant/professeur) et à une pédagogie punitive, la croissance exponentielle de la démographie scolaire à la base représentent autant de facteurs qui obligent à dépasser les effectifs requis pour une formation de qualité. Au demeurant, de nombreux préalables sont laissés en plan sans solution, et on altère  des acquis déjà réglés par le système lui-même. Tout gestionnaire du LMD doit rester pieds et mains liés aux standards du système même s'il est admis qu'à chaque pays son LMD. 

Une innovation dangereuse pour la rentrée prochaine

 L'année prochaine inaugurera une nouvelle forme d'alourdissement de la formation. En effet,  il est décidé que toutes les unités d'enseignement devront avoir des éléments constitutifs d'UE ou ECUs. Ce n'est nullement une règle du LMD. Une UE peut avoir des ECUs, mais ce n'est pas une obligation. En exigeant des ECUs pour chaque UE, on alourdit davantage l'OF et, par ricochet, l'emploi du temps. Mais là ne se trouve pas le problème. Obligées de créer des ECUs pour chaque UE, les équipes pédagogiques dans les départements où il en existent, se sont rabattues sur les anciens programmes exécutés d'antan sous le système des UV, ramenant de la sorte l'ancien régime de formations. On aura affaire à une grosse supercherie. Ces équipes n'ont peut-être pas cherché à identifier un véritable profil de sortie afin de construire une OF subséquente. On assiste à un travestissement du LMD, voire un galvaudage. Le souhait est qu'on n'oublie pas que les étudiants béninois ont droit à la mobilité. Pour cela, ils seront accompagnés d'un document important appelé le Supplément au diplôme. Quelle lisibilité attribue-t-on à un tel document de valeur internationale s'il est surchargé d''ECUs dont la présence n'est vraiment pas indispensable pour la formation?  Une pareille spécification de l'OF révèle une absence criante de synthèse, or dans le système, tout est fait pour aller à l'essentiel.

 
Enfin, il n'est pas obligé de pourvoir chaque catégorie d'UE, au sein de l'OF, de trois ou quatre unités d'enseignement. Une OF de plus de huit UE pour le semestre laisse à réfléchir sérieusement. De fait, comme un profil de sortie est atteint au bout de six semestres pour la licence, quatre, pour le master, huit, pour le doctorat, il est recommandé de doser et de repartir intelligemment les enseignements d'un parcours-type pour permettre à l'étudiant de prendre des initiatives tout à la fois hardies et guidées. Ce dosage et cette répartition interviennent dans les catégories d'UE à travers les semestres. L'application mécanique du nombre de crédits par catégorie d'UE au sein de l'OF aboutit à un programme très lourd pour l'étudiant et révèle l'inexistence d'une véritable équipe de gestion du système au sein des départements. Il ne s'agit pas de laisser au chef et à son adjoint d'élaborer l'OF, il est plutôt obligatoire que tous les enseignants en une ou plusieurs sessions pensent à un programme à partir des profils de sortie en adéquation avec des métiers existants ou à venir. L'élaboration d'une OF est obligatoirement un travail collectif.

Conclusion


Il parait plus juste au terme de ce post d'inviter les responsables académiques à la réflexion sur le système qu'ils appliquent, sur sa gestion avantageuse pour les composantes de l'université, surtout pour les étudiants et le pays, lui qui a besoin de ressources humaines compétentes pour son développement. Pour ce faire, il importe d'éviter les improvisations qui portent atteintes à l'essentiel des standards, abandonner des innovations qui cherchent à résoudre un problème en créant beaucoup d'autres. 

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