Que le chef lâche du lest

Publié le par Akotêgnon Gbêdékounnou Ascension BOGNIAHO

La crise pré-électorale actuelle au Bénin commande au chef de se mettre  au-dessus de la mêlée.

Un tam-tam ne peut vraiment pas résonner si le batteur en frappe le corps au détriment de la membrane. Chacun de nous a  droit à la parole au sein de la cité. La parole aide à construire et à maintenir  la cohésion du groupe. Et parce qu'elle est une divinité, elle nous guérit de nos maux. L'événement historique auquel le peuple béninois sera assujetti dans quelques jours, si rien n'est fait pour en corriger le cours actuel, est, sans embages, mauvais. Il sera notre honte national, et le commanditer, notre nom de Dieu.
Des gens me taxent déjà d'opposant, de vendu. D'autres m'insultent. Mais, ne peut-on pas dire la vérité sans être affublé d'une coloration. Non! Dites plutôt que je suis un intellectuel, et je vous le concède, ajoutez-y le qualificatif taré, je vous le concèderai aussi. Car je ne ferai pas comme Néron qui assiste à l'incendie de Rome en engrenant des notes de musique sur sa cithare. Mais sachez d'ores et déjà que tout ce qui se réalise sans Amour ne dure pas , il porte les marques de l'échec c'est-à-dire qu'il ne laisse pas de traces honorables. La marche forcée imposée au pays vers des élections législatives exclusives exhale des relents d'un totalitarisme de mauvais aloi.
 Il est clair aujourd'hui que nous sommes en dictature, et elle ne lésine sur aucun moyen pour intimider. Il est clair également que le pouvoir aux pieds de bottes et aux mains de fer et de feu ne souhaite pas du tout qu'il y ait des élections législatives inclusives. Et pourtant, il en faut pour nous éviter beaucoup de maux, dont le plus apparent et affligeant est la d'échéance, avec la honte pour corollaire. L'opiniâtreté de l'actualité politique nationale démontre que toutes les gesticulations passées du chef n'étaient donc que des simagrées, des singeries pour tromper les simples d'esprit. Un homme peut-il se prévaloir d'être plus intelligent que tout un peuple s'il n'est pas un dirigeant arbitraire ?
Dites-moi. Sommes-nous en campagne électorale oui ou non? Si oui, et j'en suis certain, a-t-on encore besoin d'une autorisation pour faire un meeting, pour organiser une marche? Sont-ce les seuls candidats déclarés qui doivent tenir meeting? Je ne connais rien à la loi. Qu'on m'oppose ses diktats et je me tairai. 
Le candidat progressiste a-t-il besoin d'une autorisation pour rassembler des foules et leur parler? Ses représentants et supporteurs peuvent réunir la foule en son absence ? D'où vient-il donc qu'on empêche deux anciens présidents et une honorable de tenir meeting à Dantokpa sous prétexte que ce rassemblement n'est pas autorisé ? Selon que vous êtes blanc - je veux dire mouvancier - ou noir - opposant - tout vous est permis ou interdit. Dans ces conditions, nos malheurs ne font que commencer. 
En effet, dès l'installation du parlement monocolore, les opposants, pratiquement tout le peuple,  perdront leurs droits de citoyenneté. Ils devront laisser les artisans développer le pays. Ce silence, caution obligée, avalise toutes les actions à venir de prévarications, de rapines et de pillages. Rien de nouveau pour certains de ces développeurs, habitués depuis longtemps déjà qu'ils sont à la spoliation et à l'usurpation, au népotisme et au tribalisme mesuré. Les accompagneront alors quelques lécheurs de bottes, homines novi, pour qui tous les plaisirs sont nouveaux tels que s'habiller décemment, dormir dans une belle maison et, de surcroît, dans un lit moelleux, manger des repas succulents, voyager en première classe avec un passeport diplomatique, plastronner dans des réceptions mondaines et ouvrir la bouche pour dire des âneries dignes de la petitesse de leur culture et de l'acuité de leur vassalité. C'est la tragique situation du chien et de son maître, que décrit Jean de La Fontaine dans la fable intitulée : <<Le loup et le chien>>. Comme le chien, la nouvelle Assemblée sera tenue en laisse et chacun de ces honorables en aura le  coup pelé.
Vous voyez donc qu'au lieu de travailler au développement de notre pays, ils travailleront à leur propre épanouissement et à celui plus accru de leur chef. Pourquoi donc ravale-t-on la politique dans ce pays aux seuls mensonge, hypocrisie, vol et autres crimes crapuleux ? Pourquoi pousser le cynisme à son paroxysme en enfonçant davantage dans la précarité un pays, un peuple, saignés pendant des siècles par la traite, la colonisation et la néo-colonisation? Se peut-il que la politique ne doive pas être nationale mais plutôt individualiste? 
Un tel archétype béninois, né sur le terreau fétide de l'égoïsme, laisse paraître une absence de sentiment patriotique. Les  politiciens de ce pays agissent en étrangers, ignorants des réalités du peuple et, en négociants immigrés, pour faire leur beurre sur le dos du pays et s'en aller. En témoignent l'opacité de la gestion de l'État, l'autocratie et le tribalisme ambiants,, le clientélisme ubuesque de certains grands de la politique de notre pays. Ils adoptent un profil bas,  vêtus du livret de leur maître en utilisant une langue de bois qui sonne faux.

Ces travers, absous par tous les nouveaux tribunaux d'exception aux clients fidèles du chef, jettent des tentacules et, comme des hydres géantes, enserrent le pays et l'étouffent dans des étreintes à la boa constricteur. Les yeux du peuple s'exorbitent et ne voient plus rien. Alors, on passe des marchés de dupe, on fait des emprunts obligataires à son insu,  dont il paiera les intérêts jusqu'à des générations indéterminées. Si cela n'est pas méchant voire cynique?
Mon frère de village bénéficie peu de l'État, pourtant il en subit une sujétion sans pareille, dans son pays dont on clame avec plaisir la pauvreté. Et néanmoins,  on y compte des milliardaires bon teint dont la plupart des fortunes se sont constituées sur le dos du pays. Ce sont eux qui s'accaparent du pouvoir et le transforment en des fonds de commerce à la rentabilité inévitable par tous les moyens. Dès lors, mon frère ou mon cousin et moi-même ne sommes plus que du matériel humain que l'on utilise et exploite à l'envie. On ne peut donc parler de justice sociale et de démocratie dans ces conditions.
 Tous les produits de première nécessité sont taxés par une TVA sournoise et inique. Souffre-t-on d'un paludisme, on n'en guérit pas sans avoir investi environ 5 à 10.000 francs CFA. L'école n'est gratuite que pour les filles. La manne financière, distillée avec intéressement par les Occidentaux, une rétrocession justifiée, mais à des conditions onéreuses, des biens nationaux naguère pillés par ceux-là, est encore détournée par ces politiques. Et pour éviter de se faire traîner devant les tribunaux d'exception, beaucoup de ces candidats actuels courent se réfugier dans  l'hémicycle. Ce propos n'excepte personne. Aussi, ne tolèrent-ils pas la concurrence des opposants. Et pourtant, tout le monde sait que la participation de l'opposition aux prochaines consultations populaires sera un honneur pour notre pays. J'adjure  le chef d' assouplir  sa rigidité. Rien n'est impossible car, parce que  la loi n'est pas faite pour les animaux, il existe la jurisprudence. La législature finissante et le chef lui-même ont été élus par une loi. On peut sans fausse honte y faire recours à nouveau  pour les prochaines élections. Après cela, on pourra peaufiner ce que l'on voudra si cela s'avère nécessaire et que le peuple, seul détenteur de la souveraineté nationale,  l'accepte. Que le chef lâche du lest pour la paix sociale ! Cela peut se faire à travers une communion avec le peuple, celle-ci s'exprime en termes d'écoute attentive, de respect et de sollicitude.

Ascension Bogniaho
Enseignant

Publié dans Opinion politique

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